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Historique : le vignoble de Chinon, du courage et des hommes
Son histoire remonte aux tréfonds de l’époque gallo-romaine, se pare tantôt de la moitié du manteau de Saint Martin, tantôt de la couronne royale de Charles VII. On lui rend hommage dans l’œuvre « Gargantua », une clé de voûte de la littérature française*. Son nom est fréquemment cité chez les connaisseurs et sa notoriété progresse chaque année aux Etats-Unis. 40 000 personnes intronisées sont aujourd’hui les ambassadeurs de Chinon et il existe même un baillage de la confrérie des Entonneurs Rabelaisiens en Allemagne.
À l’image du Val de Loire et des nombreux châteaux qui ponctuent cette région si longtemps royale, l’appellation Chinon produit des vins raffinés, élégants, parfois aussi puissants que la forteresse qui domine fièrement la ville. Car Chinon est une appellation communale, il faut le rappeler, qui compte parmi les plus importantes de France avec 2 400 hectares en production.
Elle se situe juste en dessous de ses illustres consœurs comme Saint-Emilion (5 400 ha) ou Châteauneuf du Pape (3 200 ha). Chinon est d’ailleurs la première appellation de vin rouge de Loire en volume : 13 millions de bouteilles y sont produites chaque année.
Situé au cœur du Val de Loire qui présente la plus grande diversité de vins au monde avec 800 kms de routes des vins, 38 000 hectares en AOC et 50 appellations, le vignoble de Chinon ne ressemble résolument à aucun autre. Place forte historique et culturelle, Chinon et une grande partie de son vignoble sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco au titre de paysage culturel exceptionnel. Une reconnaissance légitime qui incite à la découverte, car, s’il donne l’impression d’être modeste parce qu’il n’est pas d’un seul tenant, le vignoble de Chinon s’apprivoise en sillonnant la campagne, gravissant les coteaux, pérégrinant dans les plaines ou au bord de la Vienne et surtout en poussant les portes des caves pour mieux le déguster. Les vignerons passionnés répartis sur les 26 communes qui bordent la ville ne manquent ni de générosité avec un accueil chaleureux et remarqué des visiteurs, ni de courage malgré les vicissitudes d’un métier soumis à la météo, d’une histoire où, à de nombreuses reprises, il a fallu tout reconstruire, tout recommencer.
Chinon est une appellation communale
qui compte parmi les plus importantes de France
L’eau fait la richesse du vin
En 281 après JC, l’interdiction de planter des vignes au nord de la Gironde est enfin levée.
La vigne s’épanouit dès lors dans le Val de Loire et dans le chinonais. Le vin s’exporte hors de la région, grâce aux voies navigables et aux facilités de transport que permettent la Loire et la Vienne qui se rejoignent à la confluence située quelques kilomètres en aval de Chinon.
Au VIe siècle, Grégoire de Tours dans « Histoire des Francs » confirme que Chinon est une place forte bâtie par les romains et un site stratégique de première importance. Au XIe siècle, un récit hagiographique de la vie et des miracles de Saint-Mexme relate le périple d’un vigneron de Chinon transportant ses barriques de vin par la rivière jusqu’à Nantes.
Vin de rois
Située à la croisée de trois provinces -l’Anjou, le Poitou, la Touraine- et sur une voie navigable qui rejoint rapidement la Loire, Chinon est bien une place forte que les rois ne tardent pas à occuper. Leur présence est indubitablement un facteur de croissance pour le vignoble : Henri II Plantagenêt comte d’Anjou et roi d’Angleterre, Philippe Auguste, puis Charles VII, rois de France vivent dans la forteresse et imposent à la cour les vins et produits locaux. Chinon est décrit comme une ville riche par Guillaume le Breton au XIIIe siècle : « Remplie de richesses et entourée de murailles, la ville de Chinon est en outre embellie par un site agréable entre la rivière et la montagne… ».
Et vogue le Chinon Blanc
À partir de la Renaissance jusqu’au XVIIIe siècle, la ville de Nantes joua un rôle essentiel dans la commercialisation des vins de Chinon. Les grands marchands hollandais y avaient en effet installé des comptoirs pour expédier de nombreuses marchandises à destination de l’Europe du Nord. Le Chinon, considéré comme un vin de grande qualité, fort prisé des riches consommateurs anglais et hollandais, était destiné aux exportations ; il était lourdement taxé lors de son transport sur la Vienne et la Loire avant d’arriver à Nantes. L’influence des hollandais fut considérable, au point de participer au développement d’un vignoble de qualité, à Chinon, dont la star n’était pas le cépage Cabernet Franc, mais le Chenin ! À cette époque, ce sont les blancs -plus simples à vinifier et à transporter- qui sont prisés et non pas les rouges. La demande étant sur cette couleur pendant plus de deux siècles, on suppose logiquement que le Chenin représentait l’encépagement majoritaire du vignoble, même si nous n’en avons pas la preuve.
Si la citation* de Rabelais dans Gargantua concernant le cabernet franc dit Breton a éclipsé toutes les autres, il est cependant honnête de rappeler que l’inventeur du culte de la Dive Bouteille évoque à de nombreuses reprises dans son œuvre, le vin blanc de Chinon, sans toutefois nommer le cépage Chenin.
* Rabelais dans Gargantua, chapitre XIII : « (…) j’entends ce bon vin Breton, lequel poinct ne croist en Bretaigne, mais en ce bon pays du Verron ».
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